Elles sont revenues, dit-on.

Qui, « elles » ?

Les sorcières

Revenues non pas d'un autre monde mais revenues de ce monde-ci pour dire qu'il n'y en a pas d'autres et qu'est-ce qu'on en fait ?

Revenues, les sorcières, ces « femmes comme les autres » comme on dit dans les chansons

Revenues pour nous apprendre à murmurer quand tout le monde crie et nous apprendre à murmurer au vent au soleil à la lune à tout ce qui dort sous et entre les pierres

(car c'est le sort des femmes qu'on brûle ou qu'on lapide que de savoir ce qui s'agite sous les pierres)

revenues dans leur parole les sorcières les sourcières cette parole qu'on a voulu leur ôter comme on veut parfois faire taire la nôtre aussi

parole de femmes qui disent qu'elles sont femmes et qui demandent que le monde leur accorde d'être seulement ce qu'elles sont : des femmes

Revenues celles qui savent et ont donné parfois et malgré elles ces connaissances au nom desquelles on les a jugées, pourchassées, torturées, brûlées ou pendues

Femmes revenues des flammes

pour dire que tout n'est pas ici brûlé que d'autres horizons flamboient

qui n'ont pas l'odeur des bûchers

des horizons plus sauvages et plus joyeux

où nous avons des pieds pour danser et des bouches

pour parler d'autres langues et pour aimer

mieux

Ici les vivants sabbats où elles nous invitent

nous sorciers, sorcières

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